Actualités

CDA COM TS - Cannes Mandelieu : à la Croisette des chemins

16 décembre 2021

23800 mouvements équivalents en 2019, 2 positions LOC pour une seule CTR et une mixité de trafic complexe à traiter. 11000 mouvements saisonniers en 2019 sur l’héliport distant et non contrôlé de Quai du large (LFTL), des responsabilités mal définies pour « gérer » celui-ci et un projet Digital Advanced Tower (DAT) pour les clarifier. Un turn over incessant, un fort taux d’arrêt de formation et un nombre de contrôleurs qualifiés très en dessous du BO. Une vigie où les contrôleurs s’entassent sur des positions oubliées des ergonomes.
La COM TS du SNCTA fait un focus sur l’aérodrome de Cannes Mandelieu (LFMD), un des terrains les plus denses et les plus complexes en matière de contrôle d’aérodrome.

Un rapport SDRH/DO qui se fait désirer

Le SNCTA lors du CT DO de février 2021 a obtenu qu’une mission SDRH/DO examine deux aspects critiques concernant le terrain de Cannes :

    • la charge de formation incessante due au fort turn over (réussite aux concours de promotion interne, mutations, 33 % d’arrêts de formation sur les dernières années, etc.) ;
    • le volume et la complexité du trafic à traiter dans une période où le dégroupement des deux positions LOC n’a pas été souvent possible faute de contrôleurs qualifiés.

L’encadrement et les contrôleurs ont bien été auditionnés au printemps. Mais le rapport peine à sortir. Ces dernières années, la DO a su mener à bien nombre de missions de ce type. Qu'il en soit de même pour Cannes tant les enjeux, pouvant toucher à la sécurité des vols, sont importants…
Celui de l’alimentation constante du terrain parait crucial : le rapport devra mettre en évidence des taux d’occupation de fréquence (tof) constamment très/trop élevés sur la fréquence du LOC 1 quand il est regroupé. Les avis sont unanimes : le dégroupement des fréquences LOC ne sera possible de façon sûre et régulière qu'une fois la "barre" des 14 contrôleurs qualifiés franchie. D’autres méthodes peuvent évidemment être implémentées en complément mais ce sujet fondamental ne peut être éludé, puisqu’il touche à la sécurité des vols.

DAT Quai du large : rebond ou plantage ?

La gestion de l’hélistation de Quai du large, située sur la Croisette et distante de 3 NM du terrain principal, est une spécificité que l’on ne retrouve nulle part ailleurs dans les organismes de contrôle français du fait du volume de trafic qui y est traité. Pire, LFTL se situe dans les   protections des procédures IFR du terrain cannois. Si bien que la DSNA s’est toujours trouvée historiquement très en peine pour résoudre le problème.
C’est donc l’objectif du projet DAT que de régler la problématique en permettant grâce à la technologie remote control de rendre les services de contrôle sur l’héliport depuis la vigie de Mandelieu. Le SNCTA a soutenu la démarche, s’est même battu pour, la soutient toujours, mais juge critique la trajectoire du projet actuellement dans une impasse. 

L'alimentation en contrôleurs ne relève pas que du social ou de la qualité de service. C’est aussi une question de sécurité des vols.

Le marché passé avec l’industriel Searidge est pourtant clair et validé par la DSNA : il doit conduire à  l’installation de caméras sur l’hélistation (où la FATO et le plot de stationnement ne sont pas séparés) et d’une IHM dédiée sur les deux positions LOC. Cette IHM permet notamment d’obtenir de façon rapide et efficace l’information du « posé des patins » via un indicateur couleur, issu du traitement de l’image par intelligence artificielle (IA). Quelques années après, le matériel est livré (depuis début 2020), les caméras installées, mais rien n’est opérationnel. La DO avoue en aparté avoir toutes les peines du monde à adapter ses process à l’IA, pourtant utilisée en tant que traitement de l’image dans d’autres projets remote control (tracking, réalité augmentée, etc.) et donc à dérouler le projet initial jusqu’à son terme…
Le 4 novembre 2021, avait été programmé un GT DAT national pour faire un point spécial sur le projet de Cannes. Cette réunion fut précédée par l’envoi au DSNA d’une lettre asyndicale des contrôleurs cannois qui affichaient leur volonté d’aller au bout du DAT mais sous certaines conditions. Dans le brouhaha d’une nième réunion DAT piteusement préparée par la DSNA, le GT se contenta de rappeler que le projet était désormais scindé :

    • phase 1 : visualisation de QdL sur les écrans en vigie pour amélioration de la compréhension de la situation (mais pas de contrôle) et « entrainement de l’IA » en salle technique ;
    • phase 2 : mise en service du module d’IA et contrôle effectif de LFTL.
Les contrôleurs veulent du DAT. Le SNCTA appelle la DSNA à plus de concertation pour une reprise en main efficace du projet.


Aux questions du SNCTA qui soulignait que la consigne opérationnelle et la formation des contrôleurs pour la phase 1 n’étaient toujours pas d’actualité et que la phase 2 relevait à ce stade de la science fiction vu le peu d’empressement dans la conduite du projet, la DSNA n’avait su apporter aucune réponse concrète. Comment utiliser l’outil en phase 1 ? Comment réalise-t-on la transition vers la phase 2 ? Quelles difficultés avec Météo-France sur la fourniture des informations en vent et visibilité ? En revanche, la DSNA avait allumé un contre-feu en questionnant les organisations syndicales sur l’opportunité de réaliser du contrôle simultané à LFMD et LFTL. De quoi embraser les discussions et, au final, ne pas traiter les difficultés de fond. 

Sur ce point « contrôle multisite en simultané », le SNCTA est clair depuis des années : il considère qu’en contrôle d’aérodrome, on ne peut pas gérer de la même façon des vols à destination de deux terrains différents dans la même CTR (LFMD et LFTL), présents naturellement sur la même fréquence, et des vols à destination de deux terrains différents dans deux CTR différentes, contraints d’être sur la même fréquence. C’est un désaccord majeur avec d’autres OS sur un sujet qui, pour autant, mérite un cadre clair à définir.

Le grand bazar de la vigie 

Le visiteur de la tour de Cannes ne peut être qu’interloqué par l’aménagement des postes de travail dans la vigie. À cet égard, la création de l’espace de travail du second LOC à 50 cm, dos à dos avec le contrôleur du LOC principal, est un exemple, presque risible, de ce qu’il ne faudrait pas faire. Si on prend également en compte l’espace perdu par un meuble principal calé à 1 mètre des vitres, on constate que les contrôleurs des 4 positions ouvertes sont littéralement entassés, dans le bruit, sur une douzaine de mètres carrés dans un fatras d’outils et d’écrans posés sans aucune vue d’ensemble. L’ensemble doit donc être repensé avec des compétences dans le domaine, et ce, indépendamment de tout autre projet en cours.

Pas de conditions à poser : la vigie de Cannes doit être repensée avec des ergonomes ! 

Reconnaissance, fatigue et attractivité 

Il est un fait récent et incontestable qui devrait servir de signal d’alarme à SDRH et à la DO : là où le turn over de contrôleurs qualifiés ne concernait jusqu’à présent que des jeunes TSEEAC promus dans la filière ICNA, il concerne désormais des contrôleurs expérimentés, fatigués des conditions de travail et du manque de reconnaissance. Sans compter que la DSNA peut s’attendre à des départs en retraite anticipés (doit-on rappeler qu’un contrôleur à Cannes pourrait partir en retraite à 67 ans voire 69 ans ?!)…

Au regard des difficultés diverses et variées, la DSNA doit s’engager à travailler sur des mesures d’attractivité telles qu’esquissées pendant la négociation du Protocole 2020. À ce propos, le SNCTA défend la scission du groupe F en F1 et F2 dans le classement des organismes et une valorisation particulière pour des projets spécifiques tels le DAT QdL (ou le SIV Chevreuse à Toussus).

Enfin, la donnée fatigue doit rentrer dans l’équation cannoise : avec des saisons aussi chargées et un arrêté de novembre 2002 qui prévaut pour cadrer l’organisation du travail, les contrôleurs voient arriver l’hiver comme une bouffée d’oxygène. Sur ce point-ci, le SNCTA sera attentif aux conclusions du rapport SDRH/DO.

 

Le travail de contrôleur aérien à Cannes relève d’un challenge exigeant, motivant mais assurément fatigant. Le SNCTA déplore le manque global de reconnaissance pour ces professionnels performants en matière d’outils, d’infrastructure, de valorisation ou simplement d’écoute. Il exige de la DSNA que soient mis sur la table, des moyens afin d’améliorer, de façon globale et rapide, l’attractivité d’un des terrains « phares » des groupes F et G.